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Anciens combattants Azerbaïdjanais et Français célébrant la mémoire des Azerbaïdjanais engagés dans la Résistance en France

22 Septembre 2020 14:38 (UTC+01:00)
Anciens combattants Azerbaïdjanais et Français célébrant la mémoire des Azerbaïdjanais engagés dans la Résistance en France
Anciens combattants Azerbaïdjanais et Français célébrant la mémoire des Azerbaïdjanais engagés dans la Résistance en France

Paris / Lagazetteaz

Au sein des réseaux de Résistance ou des bataillons de combattants, de nombreux héros venus des quatre coins de l’Europe ont joué un rôle actif – et ont parfois payé le prix fort – pour libérer la France du joug nazi. Portraits de cinq d’entre eux.

Selon l'agence de presse AgoraVox, qui révèle l'information, ils s’appellent Ahmadiyya, Amado, Italo, Mustapha ou Vasil. Nés loin de l’Hexagone, leurs parcours les ont pourtant réunis autour d’une cause commune : libérer la France occupée par l’armée d’Adolf Hitler en juin 1940. Les livres d’Histoire les ont quelque peu oubliés, les jeunes générations n’en ont jamais entendu parler. Pourtant, chacun à son niveau, ces cinq hommes ont réalisé l’impossible. S’inscrire dans une Histoire plus grande qu’eux.

Azerbaïdjan : Ahmadiyya Jabrayilov, l’évadé de la Wehrmacht

Rien ne prédestinait Ahmedia Djebrailov à rejoindre le maquis français au printemps 1944. L’histoire commence un mois après l’opération Barbarossa en juin 1941 et le début de l’invasion allemande de l’Union soviétique. Venu de Shaki au nord de l’Azerbaïdjan, Djebrailov intègre l’école d’aviation de Nevinnomyssk en Russie. En 1942, alors en mission, le bombardier de ce jeune sous-lieutenant est abattu dans le ciel d’Ukraine. Fait prisonnier, emmené en Pologne, puis envoyé dans le camp de concentration Struthof en Alsace, il est transféré de force dans la Wehrmacht, et stationnée à Rodez dans l`Aveyron. Avec trois complices, au printemps 1944 il s`évade de l`hôpital militaire de Montauban et intègre un réseau local, le maquis Cabertat. Connu sous les pseudos d’Ahmed Michel puis de Kharko, l’Azerbaïdjanais harcèle l’occupant allemand lors de plusieurs opérations menées par son réseau.

Pour libérer le département du Tarn-et-Garonne, il s’engage dans le 1er groupe d’escadrons du 3e régiment de hussards sous le commandement du capitaine Delplanque. Au tournant 1944-1945, il participe aux campagnes des Vosges et d’Alsace. Il aura donc participé à une grande partie de la campagne de la Libération, à la fois comme combattant irrégulier du maquis, puis dans les rangs de l’armée française. Cet engagement plein d’abnégation, loin de son pays, lui vaut de recevoir la médaille commémorative de la guerre 1939-45, avec agrafe « Libération ». Démobilisé fin 1945, il regagne son Azerbaïdjan natal où il décèdera près de cinquante ans plus tard. Aujourd’hui, sa mémoire est encore honorée lors des rassemblements d’anciens combattants en France, et surtout dans son pays où il est un véritable héros national. La contribution de l'Azerbaïdjan à la victoire de la Seconde Guerre mondiale est méconnue : 300 000 personnes sur près de 700 000 mobilisées depuis l'Azerbaïdjan sont mortes héroïquement ou ont disparu. De plus, dans l'armée soviétique, Bakou a fourni 85% du pétrole utilisé.

Espagne : Amado Granell, l’ex-anarchiste libérateur de Paris

La guerre d’Espagne s’achève à peine cinq mois avant le début de la Seconde Guerre mondiale. Passée sous le contrôle du général Franco, l’Espagne voit nombre de ses républicains fuir vers la France via les Pyrénées, dont 150000 soldats. C’est le cas d’Amado Granell. Au cours de la guerre, Granell intègre le bataillon de la Nueve, composé de combattants défaits par Franco. Le 24 août 1944, la veille de l’arrivée triomphale de la 2e Division blindée du général Leclerc à Paris, un premier détachement de quelques blindés est envoyé vers la capitale. A sa tête, le capitaine français Raymond Dronne et Amado Granell, l’ex-capitaine anarchiste espagnol. Granell ordonne immédiatement de rejoindre l’Hôtel de Ville où il prend part aux derniers combats contre les soldats allemands qui tiennent encore quelques positions stratégiques. Le 26 août, lors de la descente des Champs-Elysées par Charles de Gaulle, c’est lui qui prend en charge le service de sécurité. Mais la guerre n’est pas terminée pour autant. Quelques mois plus tard, il prend part lui aussi aux campagnes des Vosges et d’Alsace, avant de devenir l’émissaire secret des exilés espagnols auprès de l’héritier du trône espagnol. Il recevra des mains du général Leclerc la légion d’honneur, qui aura ces mots : « S’il est vrai que Napoléon a créé la Légion d’honneur pour récompenser les braves, personne ne la mérite plus que vous. » Amado Granell Il mourra en 1972 avant d’achever la rédaction de ses mémoires, intitulées La guerre faite par un civil.

Italie : Italo Stazio, l’antifasciste de Grenoble

Parmi les réseaux de Résistance les plus efficaces, les communistes des FTP-MOI ont certainement marqué l’Histoire. Parmi ces MOI (Main d’œuvre immigrée), on retrouve des ressortissants de plusieurs pays d’Europe du Sud et de l’Est, dont l’Italien Italo Stazio, membre du groupe Carmagnole. Sur fond de guerre intestine entre le Parti communiste français et le Parti communiste italien, Stazio participe aux actions de contre-propagande antifasciste dans la région lyonnaise, l’un des fiefs de la Résistance française. Fin tacticien, il est envoyé à Grenoble en juin 1943 pour mettre de l’ordre et organiser la section italienne des MOI en Isère. « On était entre Italiens, raconte-t-il dans ses mémoires. On avait nos brochures, nos dirigeants, nos instructeurs. On assistait de temps en temps à des réunions de cellules françaises. […] Nous diffusions la presse antifasciste italienne. On faisait savoir aux Italiens en France ce qui se passait en Italie. » Contrairement à de très nombreux membres des FTP-MOI arrêtés et exécutés en 1944, Italo Stazio passera entre les mailles du filet jusqu’à la fin de la guerre.

Maroc : Mustapha Boulenouar, l’oasien parachuté en Normandie

Juin 1940. Soldat au sein des tirailleurs marocains, Mustapha Boulenouar fuit la France en déroute par Dunkerque et arrive quelques semaines plus tard à Londres. Recruté par le 2e Bureau du colonel Passy, il est formé plusieurs mois par les services secrets britanniques avant d’être parachuté en Normandie en juin 1941. Ses deux premières missions en tant qu’agent de renseignement : l’observation du terrain d’aviation d’Evreux et celle de la base sous-marine de Saint-Nazaire. En octobre 1943, il intègre le réseau de résistance Béarn où il prend le pseudo de Gustave. Ce natif de l’oasis de Figuig, sur la frontière entre le Maroc et l’Algérie, poursuit ses missions de renseignement. Proche des résistants de la Préfecture de police de Paris, il est arrêté en mars 1944 en possession des plans du quartier général d’Erwin Rommel, suite à une dénonciation. Torturé par les Brigades spéciales, il est ensuite incarcéré à la prison de la Santé. Il retrouve la liberté le 18 août, à la veille de la libération de Paris à laquelle il participe. En septembre 1945, le général de Gaulle, alors président du gouvernement provisoire, lui remet une lettre écrite : « Répondant à l’appel de la France en péril de mort, vous avez rallié les Forces françaises libres. Vous avez été de l’équipe volontaire des bons compagnons qui ont maintenu notre pays dans la guerre et dans l’honneur. Vous avez été de ceux qui, au premier rang, lui ont permis de remporter la victoire ! Au moment où le but est atteint, je tiens à vous remercier amicalement, simplement, au nom de la France. » De Gaulle lui propose alors la nationalité française… que le Marocain refusera.

Ukraine : Vasyl Poryk, un Soviet chez les Résistants

L’itinéraire de Vasyl Poryk, lieutenant de l’Armée rouge, s’arrête brusquement le 22 juillet 1944. Tombé dans un guet-apens à Grenay dans le Pas-de-Calais, il est fusillé le jour même à Arras. Il n’a que 22 ans. Il faut dire que sa tête avait été mise à prix par les Allemands. Membre du réseau de Résistance FTP (Francs tireurs partisans), son groupe réunissait des Russes, des Italiens, des Polonais et des Français. A leur actif, de nombreux coups d’éclats. En un an de service opérationnel, son tableau de chasse est alors l’un des plus fournis : onze convois militaires attaqués, trois cents soldats et officiers allemands tués ou blessés, deux ponts détruits, et pléthore d’évasions menées à bien.

Avant son entrée en résistance, Poryk avait été fait prisonnier sur le front de l’Est, puis déporté vers le Nord de la France en 1943 avec des milliers d’autres prisonniers de guerre soviétiques et serbes. Il fait alors partie de ces contingents d’anciens soldats destinés à œuvrer dans les mines de charbon du Nord, afin de pallier la baisse de la production allemande. A la faveur d’une évasion, il rejoint ainsi le maquis français et intègre les FTP comme de nombreux camarades, avant de connaître une fin tragique.

En 1968, l’URSS – qui l’a élevé au rang de « héros », et fait ériger un monument à sa mémoire au cimetière d’Hénin-Liétard dans le Pas-de-Calais, pour célébrer l’alliance franco-soviétique « scellée dans le sang de nos meilleurs fils ». Un an plus tard, l’ancien résistant français André Pierrard, devenu homme politique et romancier, lui a consacré un roman en 1969, Le jeune homme à la rose.

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