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EVIAN, À LA SOURCE DE L’IGNOBLE

3 Janvier 2024 12:34 (UTC+01:00)
EVIAN, À LA SOURCE DE L’IGNOBLE
EVIAN, À LA SOURCE DE L’IGNOBLE

Paris / La Gazette

En soutien aux séparatistes arméniens, la ville d'Evian veut enlever la statue de la poétesse Natavan.

Après presque 30 ans, les Azerbaïdjanais ont reconquis l’intégrité de leur territoire. Une intégrité reconnue quatre fois de suite par l’ONU. Poussée par une extrême-droite nationaliste qui rêvait de conquêtes, le gouvernement arménien avait un moment affiché sa crainte d’une extension du conflit, mais a finalement reconnu la légitimité de la position azerbaïdjanaise. Chacun a désormais reconnu la souveraineté de l’autre. Ensemble, ils sont maintenant entrés dans une phase de reconstruction de la paix, et de rétablissement de relations politiques, économiques et culturelles.

En France pourtant, la droite montante, suivis par quelques socialistes égarés, semblent sourds à cette nouvelle perspective. Excités par les extrémistes d’une diaspora plus arménienne que les Arméniens d’Arménie, cette classe politique affiche son ignorance de l’histoire, et d’un pays où elle n’a jamais mis les pieds, en continuant à soutenir mordicus les porte-parole d’une « Grande Arménie » imaginaire, mais animée d’un esprit de conquête meurtrier.

La palme de l’imbécilité revient sans doute à la ville d’Evian qui vient de couvrir d’un voile la statue de la princesse-poétesse Natavan, érigée en 2017, avant d’en promettre le démantèlement. Une décision qui démontre que le racisme aveugle de ses édiles n’a d’égal que leur ignorance et leur inculture.

Qui était en effet était la poétesse Natavan ?

Natavan Khourchidbanou est une poétesse azerbaïdjanaise célèbre pour ses poèmes lyriques. Elle est née à Choucha en 1832, et est la fille du dernier khan du Karabakh, Khan Javanshir et la petite-fille de Panah Ali Khan., le fondateur de la ville.

L’écrivain français Alexandre Dumas, raconte, dans son récit « Voyage au Caucase » sa rencontre avec la princesse. Impressionné par l’étendue de sa culture, il fut surpris d’apprendre qu’elle avait lu, en Français, l’ensemble de son œuvre.

Une amitié sincère se noua entre eux. Dumas joua aux échecs avec la poétesse, et le résultat du match fut mémorable : Natavan fit Dumas échec et mat. Elle n’avait que 26 ans, et Dumas 56.

Pour la récompenser de sa victoire, et en signe d’admiration devant son intelligence, Dumas offrit à Natavan un buste de Napoléon qu’il avait apporté de Paris et un élégant jeu d’échecs en ivoire. Ce cadeau symbolisait la grande estime qu’il éprouvait pour la poétesse, à la fois pour son habileté aux échecs, et sa brillante personnalité.

Cet événement fut immortalisé par le peintre Tchinguiz Mehbaliyev dans sa toile « Jeu d’échecs de Khourchidbanou Natavan et Alexandre Dumas ».

Natavan fut aussi une militante de l’émancipation de la femme, et son château de Choucha, presque entièrement détruit par l’occupant arménien, mais en cours de restauration, était un lieu de culture où poètes, musiciens et peintres de tout le Caucase venait faire assaut d’excellence.

Dans son « Voyage au Caucase », Alexandre Dumas consacre plusieurs chapitres à l’Azerbaïdjan. Il décrit notamment les traits de caractère des gens vivant dans ces lieux : « Quand on négocie quelque chose avec un Azerbaïdjanais, il n’est pas nécessaire de lui demander un document signé. S’il a promis, alors ce sera fait. »

Il exprime des observations beaucoup plus nuancés sur les Arméniens vivant en Azerbaïdjan: « toujours despo­tiques, mais toujours de religions différentes, mais toujours barbares, n’ayant que leurs caprices pour règle, que leurs volontés pour loi. Il en résulte que, voyant que leurs richesses étaient un sujet de persécution, ils ont dissimulé leurs richesses ; reconnaissant qu’une parole franche était une parole impru­dente, et qu’à cette parole imprudente leur ruine était suspen­due, ils sont devenus taciturnes et faux. »

On se demande d’ailleurs comment, s’il vivait aujourd’hui, serait reçu Alexandre Dumas, le mulâtre, par les obtus élus de la ville d’Evian. Sans doute, hélas, de la même façon qu’il fut reçu de son temps. Un jour, suite à une discussion animée à propos de la récente théorie de l'évolution de Charles Darwin un contradicteur lui dit :

- « Au fait, cher Maître, vous devez bien vous y connaître en nègres ? »
- « Mais très certainement », lui répondit Dumas, « Mon père était un mulâtre, mon grand-père était un nègre et mon arrière-grand-père était un singe. Vous voyez, Monsieur : ma famille commence où la vôtre finit »

On voit que, depuis plus de 150 ans, les choses n’ont guère changé. L’imbécilité restant une indestructible constante.

La ville va-t-elle aller encore plus loin ? En 1993, Antoine Riboud, propriétaire de Danone, qui gère les eaux d’Evian, offrit à son ami le célèbre violoncelliste Mstislav Rostropovitch, une magnifique salle de concert, qu’il fit construire, tout en bois, dans le parc d’Evian.

Or Rostropovitich est né à Bakou, en Azerbaïdjan (soviétique à l’époque). La mairie va-t-elle décider de raser l’ouvrage qui continue, jusqu’à aujourd’hui d’accueillir des centaines de musiciens et artistes ? La question n’est pas si incongrue, tant la sottise semble aussi inaltérable que le platine. « Je ne connais que deux choses qui soient infinies », disait Einstein, « l’univers et la bêtise. Et encore, pour l’univers je ne suis pas sûr… »

Il semble en effet que l’inculture soit l’apanage des contempteurs béotiens de l’Azerbaïdjan. Il suffit de lire les commentaires des internautes, qui déversent sur le net les vomissures de leurs insultes. Il suffit aussi d’entendre la Maire de Paris qui, envers et contre tout, continue à soutenir les extrémistes arméniens, et qui fait aujourd’hui la risée du net. À l’intervention d’un conseiller municipal d’opposition qui lui lançait : « Le roi Midas changeait tout ce qu’il touchait en or. Vous c’est l’inverse : tout ce que vous touchez se transforme en plomb », celle qui fit 1,7% aux présidentielles répondit « Je ne sais pas très bien à quoi vous faites allusion, je n’ai plus de voiture depuis longtemps ». Elle avait juste confondu le roi légendaire de Phrygie avec la société d’entretien automobile Midas.

Lisez donc, tristes élus, les œuvres de Natavan Khourchidbanou, la femme libre, ceux de Nizami Ganjavi, le précurseur du siècle des Lumières, ou le Livre de Dede Korkut, qui parle de droits de l’homme et de liberté des peuples. Il n’est jamais trop tard pour recevoir la lumière.

Jean-Michel Brun

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