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Un tapis du Karabagh attend avec joie le jour où il lui sera dit « Bienvenue au Karabakh, c’est ta maison, c’est le Musée de Choucha ! »

30 Mai 2021 07:55 (UTC+01:00)
Un tapis du Karabagh attend avec joie le jour où il lui sera dit « Bienvenue au Karabakh, c’est ta maison, c’est le Musée de Choucha ! »
Un tapis du Karabagh attend avec joie le jour où il lui sera dit « Bienvenue au Karabakh, c’est ta maison, c’est le Musée de Choucha ! »

Paris / Lagazetteaz

Depuis 1977, le 18 mai l’Azerbaïdjan célèbre la Journée internationale des Musées avec chaque année un thème particulier. Ce jour vise à sensibiliser le public sur le rôle important des musées pour le développement de la société. Cette journée internationale du 18 mai porte haut sa devise : « Les musées, moyen important d’échanges culturels, d’enrichissement des cultures, de développement de la compréhension mutuelle, de la coopération et de la paix entre les peuples ».

Hasard ou non, toujours est-il que 1977 est mon année de naissance, donc la même année que l’instauration de la Journée internationale des Musées. De plus, ce jour m’est particulier car durant quelques années, j’ai travaillé au Musée National du Tapis d’Azerbaïdjan. Il s’agit d’un centre culturel très important pour les Azerbaidjanais, pour l’Etat et pour les spécialistes du tapis. J’y étais la secrétaire de presse de ce musée ; j’étais responsable de la communication et des relations avec les médias. Mais je n’avais pas seulement à cœur mon intéressante activité, je travaillais dans un endroit magnifique : le Musée du Tapis de Bakou.

Le Musée National du Tapis d’Azerbaïdjan est un lieu magique où vous vous sentez comme dans un conte de fées. Les couleurs, l’air et l’atmosphère de cet endroit sont merveilleux. Le musée fondé en 1967 à l’époque soviétique a été le premier musée du monde traitant de ce thème. Son histoire est plus riche que les autres musées. Il a des salles d’exposition avec de très jolis exemples. Le bâtiment de 3 étages présente les exemples du patrimoine azerbaidjanais. La collection du Musée comprend plus de 11000 objets exposés, dont 6000 tapis ainsi qu’une collection de textile. En évoluant dans ce musée, vous côtoyez la magnificence à tous les étages, vous vous sentez comme au paradis !

J’ai visité les salles d’exposition du Musée à plusieurs reprises. Les exposés - les tapis, les kilims, les objets anciens, les khourdjouns (ressemblent à des sacs) etc. et chaque fois je m’arrêtais devant un tapis. Pour moi ce tapis était spécial, il avait une histoire très intéressante, son destin est très touchant, car durant les années 1991 à 1994, lors de la période de la Première Guerre du Karabagh, il avait disparu. Durant cette période, l’occupation des villes et villages azerbaïdjanais par les Arméniens, la destruction de tous les abris azerbaidjanais, le pillage et le vol des maisons, des objets ménagers, des tapis, d’autres objets de la culture matérielle et de l’art azerbaidjanais ont durement frappé notre pays. Pendant l’occupation du Karabagh, les Azerbaidjanais ont dû quitter leurs abris, leurs maisons et ils y ont laissé tout leur matériel, leurs objets ménagers, ainsi que les tapis. Les propriétés azerbaidjanaises ont été volées par les Arméniens et ont été vendues. Le tapis dont je vais vous parler est un exemple de cette attitude arménienne contre la culture, et contre l’histoire de son voisin. Oui, il s’agit de l’histoire, du destin d’un tapis, semblable au destin des hommes disparus pendant ces guerres. Mais les yeux de leurs proches sont toujours sur la route, ils les attendent, peut-être qu’un jour ils reviendront. Peut-être que certains peuvent revenir… Nous pouvons imaginer que ce n’est pas seulement le destin d’un tapis, c’est comme le destin d’un homme. Je vais vous parler de ce tapis. Mais avant je vais vous dire quelque mot sur la tapisserie, son rôle important dans la vie du peuple azerbaidjanais.

La tapisserie est un métier spécial pour les Azerbaidjanais. Les grands-mères, les mères ont fabriqué des tapis depuis des siècles. Chaque Azerbaidjanais doit avoir un tapis à la maison. La tradition veut que chaque fille mariée emporte des tapis ou des kilims dans la maison de son époux. Les mamans doivent penser à cela dès la naissance de leur fille. Donc, les vieilles pensent qu’il faut garder un tapis pour le deuil, car les tapis les surveillent jusqu’à la fin de leur vie. Outre cela, il existait une tradition en Azerbaïdjan d’offrir un cadeau à leurs enfants. Pour cette tradition, les mamans tissaient les tapis pour leurs chers enfants. Les enfants gardaient toujours ce cadeau très personnel. C’était un cadeau très unique, il évoquait toujours la douceur des mains des mamans…

Voilà, c’est l’histoire de ce tapis particulier que je vous raconte. Un tapis qui a voyagé de par le monde, il a fait une tournée jusqu’aux Etats-Unis, puis est rentré en Azerbaidjan, sa Patrie natale. Mais son histoire est très triste, tout de même…

Sur le tapis il y a un écrit et une signature: “Un éternel cadeau de sa mère pour Server à l’occasion de son anniversaire, le 1er janvier 1971”. C’était le cadeau de sa mère pour l’anniversaire de Server. Mais où est Server? Où est sa mère? Nul ne le sait…

Ce tapis s’est trouvé dans une enchère à Los Angeles aux Etats-Unis vendu par des arméniens. Un Azerbaidjanais, un patriote a vu ce tapis, a lu la phrase sur ce tapis fabriqué en Azerbaidjan avec l’alphabet cyrillique. Il était très surpris que ce tapis soit présenté comme “un ancien tapis arménien”. Mais ce n’était pas le premier qu’un représentant de la nation arménienne voulait vendre. Il y eût beaucoup d’exemples de biens matériels et culturels qui furent vendus d’une nation à l’autre nation, c’est à dire azerbaidjanaise. Les arméniens revendiquent toujours l’histoire, la littérature et la culture azerbaidjanaises et les capturent. C’est terrible! Voler, s’emparer, emporter, vendre ce qui ne t’appartient pas !

Heureusement, le tapis est acheté par un Azerbaidjanais et envoyé en Azerbaidjan. Il fait partie aujourd’hui de la collection du Museé National du Tapis. J’ai toujours pensé que si ce tapis pouvait s’exprimer, il nous raconterait beaucoup de choses, sur son aventure, sur son histoire, sur son destin…

Mme Shirin Melikova, directrice du Musée affirme que le tapis est exposé actuellement avec la collection de la filiale de Choucha dans le bâtiment du Musée du Tapis à Bakou, depuis 1992, en raison de l’occupation de cette ville à l’époque. Les visiteurs ont toujours montré un grand intéret pour ce tapis. En même temps, elle a indiqué que le tapis serait exposé au Musée du Tapis à Choucha après la restauration de son bâtiment.

Voilà, c’est le destin d’un tapis qui a été hors de sa maison pendant des années. Mais il aura la chance de retouner dans sa maison, au Karabagh. Je suis sûre que le tapis du Karabagh ressent maintenant cette bonne nouvelle et il attend avec joie le jour où il lui sera dit « Bienvenue au Karabakh, c’est ta maison, c’est le Musée de Choucha ! ».

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Par Zeynab Kazimova

Source : Le Journal des musulmanes et musulmans en France

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