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JOE BIDEN : SOMMET VIRTUEL DES DÉMOCRATIES OU SOMMET DES DÉMOCRATIES VIRTUELLES ?

12 Décembre 2021 16:47 (UTC+01:00)
JOE BIDEN : SOMMET VIRTUEL DES DÉMOCRATIES OU SOMMET DES DÉMOCRATIES VIRTUELLES ?
JOE BIDEN : SOMMET VIRTUEL DES DÉMOCRATIES OU SOMMET DES DÉMOCRATIES VIRTUELLES ?

Le sommet des démocraties organisé les 9 et 10 décembre par les États-Unis a ouvert la boîte de Pandore des malentendus et des conflits internes.

On se doutait bien qu’avec l'arrivée au pouvoir de Joe Biden les Etats-Unis allaient mettre la « démocratie » à toutes les sauces. Pas sûr que cette dernière initiative ait prouvé qu’ils étaient capables de donner réellement un sens à ce mot.

Le président des Etats-Unis a donc réuni - virtuellement - plus de 100 dirigeants pour un sommet unique en son genre, autour des thèmes de la défense les droits de l'homme et de la promotion de la démocratie. La session de clôture a vu les pays invités s’engager solennellement en faveur du progrès démocratique.

Naturellement, la majorité des pays invités affichaient leur volonté inébranlable de renforcer la démocratie et d'instaurer partout des pouvoirs démocratiques durables et forts. En réalité, certains invités se sont montrés assez peu transparents quant à la manière d’y parvenir.

Pierre Mendes France disait : " La démocratie, c'est beaucoup plus que la pratique des élections et le gouvernement de la majorité : c'est un type de moeurs, de vertu, de scrupule, de sens civique, de respect de l'adversaire; c'est un code moral"

Les participants de ce sommet peuvent en dire autant de leurs propres principes démocratiques ? Pas sûr.

"La démocratie n'est pas le fruit du hasard. Et nous devons la renouveler à chaque génération", a déclaré Joe Biden. "À mon avis, c'est le défi déterminant de notre époque".

De nombreux observateurs se sont interrogés sur le fait de savoir si ce sommet était réellement en mesure d’imposer des changements significatifs, alors que certtains dirigeants invités, comme ceux des Philippines, de la Pologne, du Nigeria et du Brésil sont accusés par les organisations de défense des droits de l'homme d’user de méthodes autoritaires,.

La présence de l'Inde relativise également la portée de ce sommet actuel. Le nombre de démocraties menacées atteint un niveau record, a déclaré en novembre l'Institut international pour la démocratie et l'assistance électorale, notant les coups d'État au Myanmar, en Afghanistan et au Mali, et les reculs constatés en Hongrie, au Brésil et en Inde, entre autres.

En Inde par exemple, la situation de la population musulmane, vue par le gouvernement nationaliste hindou comme une ennemie de l’Etat, potentiel cheval de Troie manipulé par le Pakistan, pose question. Pourquoi, d’ailleurs, se demandent de nombreux commentateurs, les abus de la Chine à l'égard du mouvement ouïgour suffisent-ils à l'exclure au nom des droits de l'homme, alors que les discriminations du pouvoir indien l'Inde à l'encontre des musulmans au sein de son propre pays ne suscitent pas de réaction ?

Certes, il il n’existe pas, en Inde, de camps de concentration et de rééducation, mais les niveaux d’oppression de la minorité musulmane sont de plus en plus élevés.

Dans un article récent, le New York Times, voit plus ce sommet comme une distraction qu'une véritable chance de changer les choses : "L'administration a également été confrontée à des questions sur ses critères d'invitation au sommet, mais n'a pas expliqué comment elle définissait la démocratie. Des critiques ont remis en question l'inclusion de pays comme les Philippines, que le département d'État a condamnées pour des exécutions extrajudiciaires, et le Pakistan, que les États-Unis ont accusé de "disparition forcée par le gouvernement ou ses agents ; torture ; et cas de traitement ou de punition cruels, inhumains ou dégradants par le gouvernement."

Freedom House a constaté que les oligarques de Géorgie exercent une influence sur la politique et les médias d'information du pays, et que le Nigeria, la plus grande démocratie d'Afrique, souffre d'une corruption endémique et permet le harcèlement et l'arrestation de journalistes. "Je n'aurais pas organisé une fête de cette manière", a déclaré Mme Kleinfeld à propos de la "large tente" des invités.

Face à ces critiques, Jen Psaki, la secrétaire de presse de la Maison Blanche, a déclaré cette semaine que les invitations ne devaient pas être traitées comme un "cachet d'approbation sur leur approche de la démocratie"..."C'est une occasion, encore une fois, de ne pas célébrer tout ce que nous avons fait en matière de démocratie, que ce soit pour les États-Unis ou pour tous ces pays, et d'en rester là. C'est l'occasion de continuer à s'efforcer de faire mieux".

La Maison Blanche a déclaré qu'elle travaillait avec le Congrès pour fournir 424,4 millions de dollars à une nouvelle initiative visant à soutenir la démocratie dans le monde, notamment pour aider lesx médias indépendants.

La secrétaire d'État au Trésor, Janet Yellen, a déclaré au sommet que son département s'attaquait au blanchiment d'argent, au financement illicite et à l'évasion fiscale. "Après tout, les États-Unis ne peuvent être une voix crédible pour un gouvernement libre et équitable à l'étranger si, dans le même temps, nous permettons aux riches d'enfreindre nos lois en toute impunité", a déclaré Mme Yellen.

Alors, cet événement était-il orienté vers la politique, la finance ou les droits de l'homme ? Les trois sans doute. Mais il fut entaché, dans tous les domaines, de fatales incohérences.

L'extradition de Julian Assange vers les États-Unis, annoncée à la fin du sommet, a ébranlé la communauté pro-démocratie, qui pose la question de savoir si les Etats-unis ont exercé ou non des pressions sur le Royaume-Uni. Comment un homme qui s'est ouvertement "battu" pour la transparence totale des gouvernements, pour une approche démocratique et ouverte de l'information de la société, peut-il être extradé vers les États-Unis où ce qui l'attend, c'est au mieux l'incarcération pour le reste de sa vie, au pire la mort. Et ce, plusieurs semaines après que des documents ont révélé que l'ancien directeur de la CIA, Mike Pompeo, a réfléchi à des plans d'assassinat de Julian Assange avec des membres de la direction de la CIA, alors qu'il résidait à l'ambassade d'Équateur.

Etrange clap de fin pour un sommet sur la démocratie…

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