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"Le but de l'argumentation ne doit pas être la victoire, mais le progrès"

Joseph Joubert (1754-1824)

PREMIER REVERS POUR LES CONSERVATEURS BRITANNIQUES APRÈS LE "PARTYGATE"

7 Mai 2022 10:59 (UTC+01:00)
PREMIER REVERS POUR LES CONSERVATEURS BRITANNIQUES APRÈS LE "PARTYGATE"
PREMIER REVERS POUR LES CONSERVATEURS BRITANNIQUES APRÈS LE "PARTYGATE"

Les travaillistes s’imposent à Londres mais ne percent pas dans le nord du Royaume-Uni.

Les Britanniques avaient pour la première fois l’occasion, jeudi 5 mai, d’exprimer leur lassitude à l’égard du gouvernement de Boris Johnson, lors du premier scrutin électoral post-« partygate », ces soirées organisées en plein confinement à Downing Street. Ils ne s’en sont pas privés lors des élections locales visant à renouveler des milliers de conseils municipaux en Angleterre, au Pays de Galles et en Ecosse : au pouvoir depuis douze ans, le Parti conservateur a essuyé de sévères revers, perdant ses derniers fiefs londoniens et reculant sur les terres pourtant traditionnellement acquises du sud de l’Angleterre.

Le parti a ainsi perdu, au profit des travaillistes, le contrôle de Wandsworth, un arrondissement aisé du sud-ouest de Londres, dans son giron depuis quarante-quatre ans. Réputé pour être le borough préféré de l’ex-première ministre Margaret Thatcher, pour sa constante politique de faibles impôts locaux, Wandsworth était devenu ces dernières semaines un point de fixation des militants du Labour, qui voulaient faire tomber un des derniers conseils londoniens encore en bleu (la couleur des tories) sur la carte électorale. Les conservateurs ont aussi cédé aux travaillistes la majorité au conseil municipal de Barnet (un arrondissement du nord-ouest de Londres) et à celui de Westminster, au cœur de la capitale. Ils ont aussi perdu le contrôle du conseil local de l’Oxfordshire occidental (un district connu pour ses résidences secondaires de riches Londoniens) ou de la grosse ville portuaire de Southampton.

« Nous avons pourtant fait exactement ce que les habitants voulaient – baisser les impôts, limiter les hausses de loyers –, mais d’autres sujets ont influé leur vote, dont l’attitude de Boris Johnson », regrettait Ravi Govindia, le chef du conseil de Wandsworth, vendredi 6 mai. Bien d’autres élus tories ont dit leur frustration à l’égard du premier ministre, dont l’honnêteté est mise en doute, après qu’il a été sanctionné par la police pour le « partygate », alors qu’il avait longtemps répété n’avoir participé à aucune fête durant le confinement. M. Johnson doit « se regarder soigneusement dans le miroir » après ces échecs locaux, soulignait vendredi matin Simon Bosher, élu conservateur au conseil de Portsmouth, autre ville portuaire du sud-ouest du pays où les tories se trouvent désormais en difficulté.

L’autre grande préoccupation des électeurs était la crise du coût de la vie, contre laquelle le gouvernement Johnson n’a pour l’instant pratiquement pas agi. Rishi Sunak, le chancelier de l’Echiquier, ne propose qu’un rabais de 200 livres sterling (234 euros) aux Britanniques sur leur facture d’énergie alors qu’elle a doublé en avril, qu’elle augmentera encore probablement à l’automne, et que leur pouvoir d’achat est amputé par une inflation à 8 % (elle pourrait atteindre 10 % a prévenu la Banque d’Angleterre jeudi). Même chez les tories, certains réclament une taxe sur les profits des compagnies pétrolières – BP et Shell ont publié des profits historiques ces derniers jours.

La colère des élus locaux est une alerte sérieuse pour Boris Johnson, toujours menacé par un renversement en interne : de nombreux députés conservateurs ont laissé entendre qu’ils réclameraient son départ en cas d’échec aux élections locales ou s’il reçoit de nouvelles amendes de la police dans le cadre du « partygate ». « Je suis certain que nous avons le bon programme pour le pays », affirmait encore jeudi, Boris Johnson, jouant la confiance lors d’un déplacement à Southampton.

Les travaillistes soulignaient un « tournant » à Londres vendredi matin, mais ils ont enregistré peu de victoires hors de cette zone métropolitaine où ils sont déjà en position de force (ils tiennent la mairie depuis 2016). Dans les sondages, le principal parti d’opposition a certes pris l’avantage sur les conservateurs au niveau national depuis fin 2021, mais il ne perce pas sur le terrain, surtout dans les circonscriptions du nord de l’Angleterre, ravies par la droite aux élections générales de fin 2019. Keir Starmer, chef de file du Labour, a pourtant consacré les deux premières années de son mandat (il a été désigné en avril 2020) à neutraliser la frange la plus à gauche du parti – les partisans de son prédécesseur Jeremy Corbyn –, et à tenter de regagner une réputation de sérieux en matière économique.


Ce sont surtout les libéraux démocrates qui semblent profiter d’électeurs lassés des scandales à répétition à Westminster : le petit parti centriste grignote du terrain sur les conservateurs dans le sud du pays, traditionnellement à droite. Il a même réussi à prendre la majorité de la ville de Hull, dans le Yorkshire (nord-est de l’Angleterre), aux dépens des travaillistes.

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